08 novembre 2006

Le crime parfait


Le crime parfait il y rêvait. Mainte fois son esprit fatigué avait mis sur pied des plans machiavéliques. Mais ce n’était que de la théorie, il le savait.

Il se rappela les racines de cette envie. Comment au fond de lui cette flamme avait grandi. Comment il l’avait nourrit corps et âme. Mais il n’était jamais passé à l’acte.

Car plus il nourrissait et chérissait cette envie, plus une nouvelle se faisait jour. Comment le monde pourrait avoir conscience de son acte. Quelle gloire en retirerait t-il finalement, si ce n’est d’avoir qu’un triomphe personnel et interne. Trop fade. Pas assez jouissif.

Alors, il se dit qu’il fallait faire dans le grandiose. L’horreur absolue. Ce qu’ils lui avaient fait intérieurement, ils le subiraient dans leur chair. Et cela ne devait surtout pas rester anonyme. Au contraire. Il fallait que la plus grande publicité y soit faite.

Ça faisait maintenant dix jours que cet homme et cette femme pendaient nu au fond de la cave. Il les nourrissait tous les deux jours. Mais pas trop. Il aimait entendre leurs intestins se serrer lorsque la faim se faisait. Hier, après avoir parcouru des centaines de kilomètres, il avait postait la première lettre. Il savait qu’il y en aurait d’autres. Beaucoup espérait t’il secrètement.

Le lendemain les journaux publièrent l’annonce. Il ne faisait pas encore la une. Il savait qu’il faudrait qu’il fournisse une photo pour cela. Qu’il commence enfin à s’amuser. Donner à la populasse sa ration quotidienne d’atrocité et de chair fraîche. Il commença par la femme. La caméra était prête. Il entendait son léger sifflement et le moteur de l’autofocus lorsqu’il bougeait. Il approcha la lame de l’opinel de la flamme. Il manquerait plus que cela s’infecte et ne raccourcisse son plaisir.

Le femme hurla jusqu’au moment où elle s’évanouit. Le mamelon gauche en moins. Il remit la lame sur la flamme. Une fois la lame de l’opinel bien rouge, il cautérisa le bout de sein dégoulinant de sang. La femme se réveilla en hurlant. C’était fini pour aujourd’hui. Il lui remit son bâillon. Demain il passerait à l’homme.

La presse publia une photo. Il avait la une. Il faisait la une. Il constata que le cliché rendait très mal sur papier journal. Il faudrait qu’il leur dise pour la prochaine fois. Il descendit à la cave. Il prit un cutter et se dirigea vers l’homme. Il lui saisit le bras. Il enfonça la lame dans l’avant bras et fit une entaille de 15 centimètres. Il se dépêcha ensuite de verser l’alcool … La plaie saignait abondamment. Il ne pensait pas que ce serait si compliqué de stopper l’hémorragie. Finalement tant bien que mal, il y arriva. Il se mit même en devoir de recoudre la plaie. Il prit une aiguille, la chauffa et reprisa l’avant bras comme une vulgaire chaussette. Pour finir il reversa un peu de désinfectant. Il faisait un peu humide dans cette cave. Le soir, il donna un steak à l’homme. Il avait besoin de reprendre quelques forces. Ce n’était pas le moment qu’ils cannent ces enculés. Pas encore. Après avoir assené quelques droites à l’homme qui ne mangeait pas assez vite à son goût, il s’occupa des parties charnelles de la femme. « Tu vois, ce soir … j’ai été gentil » lui dit t-il, en retournant à ses occupations.

Deux jours plus tard, la demande s’étalait sur toutes les manchettes. Le monstre réclamait un don d’un euro par français. Si d’ici 10 jours, le tiers de cette somme ne se trouvait pas sur un compte d’un paradis fiscal qu’il transmettrait aux autorités en temps utiles, le calvaire de l’homme et la femme deviendrait chaque jour plus atroce. Et les journaux de rappeler que l’homme avait été la veille amputé d’un testicule. Testicule envoyé avec une vidéo au journal « Choc ». Quelques articles se demandant « Mais que fait la police ? » et d’autres à chercher si les français donneraient 1 euro pour sauver deux personnes ou encore que faire avec 20 millions d’euros … Il referma le journal.

Il ne restait plus que deux jours. Il n’y avait toujours rien sur le compte. Pourtant il avait continué à s’amuser. La femme avait perdu un doigt de pied et l’homme pouvait dorénavant faire une croix sur le nettoyage de ses deux oreilles. De toutes les manières, ses doigts étaient d’une rare laideur. Et ils avaient enfin la ligne svelte dont ils avaient sûrement toujours rêvé.

Le lendemain de l’ultimatum, rien ne se trouvait sur le compte. Rien. Ils l’avaient pris pour un charlot ou quoi. Il descendit à la cave, et calma ses nerfs sur ses punching-balls humains. Ils étaient trop mal en point. Ils n’avaient quasiment plus de réactions. Cela faisait plus d’un mois qu’ils pendaient dans sa cave.
Alors aux grands maux, les grands remèdes. Il détacha l’homme. Il sortit une scie et lui coupa une jambe au niveau du genou. Le temps que sa tâche soit chevée, l’homme était mort. Hors de lui, il lui fila des coups de pieds de rage. « Enculé de cané … t’as choisi ton moment pour crever … ». Une fois sa crise passée, il remonta.

Merde ! Il ne lui restait plus que la femme … cette salope … il la haïssait … la maudissait … Puis il repensa au crime parfait. Finalement, en y réfléchissant bien, il se dit que le crime parfait se devait d’être un acte gratuit … Ils avaient bien fait de ne rien lui verser.

Il redescendit le lendemain à la cave. Il avait passé la matinée à faire le ménage. Du moins le peu qu’il y avait à faire … La femme était en vie … mais probablement dans un état de coma. Rien de ce qu’il lui faisait ne semblait déboucher sur la moindre réaction. Il se demanda s’il devait la couper en deux. Il avait acheté une tronçonneuse la semaine précédente dans ce but, mais à quoi bon … Réflexion faite, il posterait une lettre dans deux jours indiquant où venir récupérer les corps. Ça suffirait amplement. Il mettrait les autorités au défi de le retrouver … il les mettrait face à leurs responsabilités dans la mort de ces deux fins de race.

Six mois plus tard, l’affaire avait complètement disparu des journaux. Plus le moindre mot. Il se demandait s’il devait remettre un peu d’huile sur le feu. Provoquer. La police avait pour lui fait preuve d’une rare incompétence. Ils étaient même venus l’interroger. Oui il connaissait les victimes. Non monsieur l’inspecteur, je ne les ai pas revu depuis deux ans. Oui, il y avait une rumeur comme quoi ils auraient été amants. Peut être une histoire de jalousie. Mais à vrai dire, ce n’était peut être qu’une rumeur. Ah non. Heureux de l’apprendre. Ma voiture. En panne depuis 6 mois. Je prends les transports en commun depuis. Oui monsieur l’inspecteur, si je me souviens de quoi que ce soit je vous appelle.

Effectivement il se souvînt de plein de trucs. Mais il ne rappela pas l’inspecteur. Puis il ne remit pas d’huile sur le feu. Il se dit que c’était dangereux de remettre de l’huile. Il décida de passer à autre chose. Le crime parfait il l’avait fait. Du moins peut être. On ne savait jamais. La prescription, tout ça, …, il devait maintenant défier le temps. Faudrait tout de même qu’il aille récupérer toutes les vidéos. Qu’il les détruise. On ne pouvait jurer de rien.

Douze ans plus tard, lors de la prescription, il ouvrit une bonne bouteille. Sa conscience le taquinait de temps en temps. Mais cela restait supportable. Il n’était jamais retourné à la ferme abandonnée. Pas fou. L’assassin qui revient sur les lieux de ses crimes … très peu pour lui. Encore quinze ans et il serait à la retraite. Et il saurait au moins une chose. Que le crime parfait a existé. Et s’il y avait un enfer, il était sur que ce serait sa dernière demeure pour l’éternité. Deux certitudes, ça méritait d’être fêté. Et il finit la bouteille. Et avant de s’endormir, il se promit que le jour de son dernier souffle, il n'y penserait même plus. Et il le fit. Il fut atteint de la maladie d’Alzheimer peu après son 75ième anniversaire. Le crime parfait puissance deux en quelque sorte. Même son auteur ne s’en souvenait plus. Qui dit mieux.