J’appuie sur le bip. La voiture, telle une bonne amie me répond en me faisant un clin d’œil orange. C’est bien la seule.
Je viens de sortir du cinéma. Un polar sombre, lugubre. Sans réelle histoire d’ailleurs. On ne sait pas vraiment pourquoi, et à la fin, pour être honnête, on n’en sait guère plus.
Je me dis que c’est comme ça. C’est peut être comme ma vie. Pourquoi est t’elle comme ça. Il n’y a vraisemblablement aucune explication. Du moins moi je n'en ai pas encore trouvé.
Ce qu’il y a de magique avec le progrès technologique, c’est qu’en certaines occasions on ne le maîtrise pas. Pour preuve, une fois la voiture démarrée, le titre qui s’est mis a tourné dans l’habitacle répond au doux titre de « bleeding heart ». Une charmante attention de monsieur le destin. Capricieux, le destin. N’est t’il pas.
Mais où en étais-je. Ah oui, je sors du cinéma et je suis dans la voiture. Et la musique.
J’en ai pour environ une demie heure. De quoi laisser mes pensées vagabonder. Et manque de bol, en ce moment, dès que je leur laisse 5 minutes … hop elles rappliquent. Bon, je me dois de préciser qu’en ce moment le moral est plutôt au niveau des chaussettes (et encore, c’est parce qu’il n’y a rien de plus bas). Vous savez, un homme aime une femme, la femme ne l’aime pas, et la femme en aime un autre. Pas franchement la rigolade, quoi !
Bref l’homme est dans une phase que je qualifierais de maussade. Encore plus quand on sait que la femme est, à pas grand-chose prêt, sa meilleure amie. Oui … je sais … le mauvais plan. Le karma à la « When Harry meet Sally ». Bref, l’homme file sur l’autoroute urbaine, le régulateur calé sur 110. C’est le maximum autorisé.
Et puis on va arrêter avec l’homme. L’homme c’est moi. On va finir par se croire dans un synopsis pour un film d’art et d’essai.
Je roule donc vers mon chez moi. Et l’idée entêtante que je doive éviter comme la peste de me retrouver dans les mêmes endroits que la femme (là, « la femme » ça le fait … j’ai dis que ça le fait !) revient à mon esprit. Je croise les doigts pour qu’elle ne m’appelle pas. Déjà cinq jours. Et si possible, si elle appelle, qu’elle tombe sur mon répondeur. Je sais l’homme est lâche. Désolé. Je suis lâche.
En fait … pas tant que ça. Mais « la femme » est dans une période de bonheur. L’autre (Mais l’homme qu’elle aime … faut suivre un peu !), l’homme de sa vie, elle le conquiert. Pour vous dire, ça aussi, ça me fait mal. Je suis du genre « meilleur ami ». Celui qui n’a aucune chance. Jamais. Le titre le moins glorieux pour un homme sur cette planète. On vendrait presque son âme au diable pour être un homme comme un autre, nous les « meilleurs amis », les «t’es comme mon frère » (autre catégorie pourrie). Tout sauf ça.
Mais enfin, j’en suis là. À esquiver. Et son anniversaire qui approche. J’ai au maximum une semaine pour trouver une excuse en bois, mais qui fasse l’illusion du platine. Je roule et je pense à ça. Et rien ne vient. Je pense juste que ce n’est pas juste. Je pense que c’est toujours sur moi que ça tombe. C’est vrai, les femmes que j’ai vraiment aimé, je dis bien aimé, ne m’ont jamais mis ailleurs que dans la case meilleur ami. D’ailleurs, alors que je roule, les lumières du centre commercial m’illuminent de côté, et m’éclairent sur mes relations avec les précédentes, qui se sont toujours terminées brusquement. De mon fait ou non. Je sens le mauvais présage. Ça se trouve, je ne la reverrai plus. Qui sait. Pas moi en tout cas. Quitte à souffrir, à passer un sale quart d’heure, des mois d’angoisses et de questions existentielles à la con, je préfère être tout seul.
Je mets mon clignotant, je dois prendre la sortie avant le tunnel, j’arrive chez moi. Devant la porte du garage de mon HLM, j’appuie de nouveau sur un bip et la porte s’ouvre (Ah … si tout pouvait être aussi simple. « Clic » et hop … le bonheur !). Parking souterrain. Il n’y fait jamais jour, la lumière y est artificielle. Je me gare et coupe le contact. La musique continue à tambouriner dans les portières. Elle ne s’arrêtera que lorsque j’ouvrirais cette dernière. Je ne me rappelle plus le titre. Je regarde dans le rétroviseur. J’ai pas bonne mine.
C’est bizarre, c’est dans ces moments là (solitude de l’être seul face à la route …), que je me dis qu’il n’y a pas meilleur miroir que notre âme. A première vue, on n’y penserait pas. Mais j’avoue que parmi toutes les idées qui traversent mon esprit, bonnes ou mauvaises, il y a quelques perles cristallines recélant ce qui est de plus profond à l’intérieur de mon être. Je suis mon propre miroir. Assez égocentrique comme concept, mais j’y adhère tout de même.
Mais je m’en passerais. Une once de bonheur, de foyer chaleureux me suffirait amplement pour remplacer cette navrante réalité.
J’ouvre la portière, le silence se fait soudain. Je sors de la voiture, et appuie de nouveau sur un « bip ». Double clin d’œil de ma voiture (c’est encore et toujours la seule à le faire !). En bas de l’immeuble, les jeunes sont dans le hall. « Mytholand » qu’il s’appelle le hall. Parfois je me dis qu’avec mes divagations, j’y aurais ma place. Mais je crache trop mal, et je ne me suis toujours pas décidé à interpeller mes amis par « Eh, fils de pute vient voir », voire plus succinctement par « Eh bâtard ».
J’entre dans la salle de bain. Je vais me laver les dents. Le miroir me renvoie une image qui ne m’enchante pas. Evidemment, si on part de là …
FIN
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