06 juillet 2005

La voix du destin (partie 1)


La voix du destin.



De toutes les femmes que j’ai connu, c’est d’elle dont je suis tombé amoureux. Certes, je n’ai jamais été un grand séducteur. Je dirais même qu’à ce niveau, on ne peut pas me qualifier de tombeur. Ce serait d’ailleurs plutôt le contraire. Mais « le destin » peut s’avérer cruel. Et quand je dis « le destin », je peux dire qu’aujourd’hui je pèse mes mots.


Sonia, je l’ai rencontré un jour de juin, par hasard sur le parking d’un centre commercial. Elle y avait crevé un pneu de sa voiture, et je ne sais pas trop pourquoi, mais c’est à ma personne qu’elle s’était adressée pour obtenir de l’aide. Et tout aurait pu, voire du, en rester là. Mais « le destin », si seulement j’avais pu le savoir à l’époque (et encore ma Sonia, cette merveilleuse et délicate femme, en y réfléchissant bien, était faite pour moi : Subtil, espiègle, drôle, …, magnifique en un mot), allait encore frapper.

Notre deuxième rencontre se produisit peu de temps après, alors que j’allais déjeuner dans un petit restaurant à deux pas de la société pour laquelle je travaillais à l’époque. Nous nous retrouvâmes nez à nez à l’entrée. Alors devant cette belle coïncidence, je ne pu me résoudre autrement qu’à l’inviter.
Puis, bon an mal an, avec le temps notre belle amitié se mua en un profond amour. Ah, si seulement « le destin » ne s’en était tenu qu’à ça, je serais encore le plus heureux des hommes à cette heure.


Au départ, notre relation fut des plus normales. Je dirais même qu’elle était sûrement au dessus de la moyenne. Une relation comme il ne doit plus beaucoup en exister de nos jours. Ce n’est que deux ans après notre mariage que les choses ont commencé à évoluer.
Tout d’abord, ce ne fut pas grand-chose. Presque imperceptible. Son comportement n’était plus tout à fait semblable à celui des premiers jours. Je mis cela sur le compte du fait que nous envisagions d’avoir un enfant. Cela la perturbait peut être. Puis je suis tombé malade ? On trouva dans mon corps, après analyse, une dose assez élevée d’arsenic. On ne trouva pas réellement la cause malgré les différentes recherches qui furent alors entreprises. On imputa cela à l’eau que j’avais dû boire. Cela pouvait être vraisemblable, de nos jours on trouve tellement de saloperies dans l’eau. Cependant, certains membres de mon entourages optèrent pour la solution de l’empoisonnement volontaire. Mais qui ?

Quelques semaines plus tard, ce furent les freins de mon véhicule qui rendirent l’âme. Je m’en tirais miraculeusement avec une jambe cassée et une voiture en moins. Là, le rapport de police fut formel, il y avait eu sabotage. Mais ils ne trouvèrent pas de coupable plausible. Il semblait simplement que quelqu’un cherche à me supprimer.
Suite à tous ces événements, Sonia avait un comportement de plus en plus détaché vis-à-vis de moi. Pourtant notre entente semblait encore très forte. Ainsi par un beau jour de juin, le 21 pour être précis, Sonia donna le jour à une petite Angèle. Mais au lieu de nous rapprocher, cette naissance creusa un fossé de notre couple. Mon médecin me réconforta alors en me précisant que cela était normal, que beaucoup de couple après une naissance avait besoin de se trouver de nouveaux repères, et que cela pouvait prendre un certain lapse de temps.

Hélas, je n’eus que peu de temps pour vérifier si cela allait s’avérer être vrai. Au mois de novembre, je pris deux balles en pleine poitrine dans une ruelle sombre alors que je rentrais chez moi. Le coup fut mortel. Lorsque je repris enfin connaissance, nous étions le jour de mon enterrement. Tous mes amis étaient là pour ma mise en terre. Une furieuse envie de crier, de montrer ma présence s’empara de moi, mais cela s’avéra inutile. Je sentis une chaleur s’emparer de moi et lentement m’aspirer dans un tunnel remplit d’une douce lumière blanche. Je compris pour avoir lu des reportages sur les « near death experiences » que j’avais toutes les chances de ne pas en revenir. L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais non bien au contraire, c’est là qu’elle allait commencer.

Je ne me souviens plus très bien de ce qui s’est passé, mais je ne pu ensuite qu’être un spectateur silencieux. Comme si je regardais un film à la télévision. La première image qui me revient c’est Sonia. Effondrée, semblant porter toute la tristesse du monde sur son visage, assise dans un bureau face à un homme. Et cet homme je le reconnaissait que trop bien. C’était le commissaire qui avait enquêté sur mon accident de voiture. Il avait un air grave, tandis que Sonia semblait accablée.

- Alors, vous avouez oui ou non. De toute façon nous avons retrouvé l’arme du crime dans votre cave. Et les empreintes qui sont dessus sont les vôtres. Cela suffit amplement pour qu’un juge vous inculpe et vous place en détention.

- Non, pas ça s’il vous plaît. Qui s’occupera de ma petite fille ?

- Fallait y penser avant madame

- Peut être, mais il m’a dit que je ne risquais rien. Que la police était bien trop stupide pour penser que je puise avoir tuée mon mari.

- Je ne sais pas qui peut bien être vôtre informateur, mais laissez moi vous dire qu’il s’est salement trompé sur l’efficacité de la police. Avez-vous un amant madame Indulgente ?

- Non … pour qui me prenez vous commissaire. J’aimais mon mari contrairement à ce que vous semblez insinuer …

- Permettez moi d’en douter. Lui aussi d’ailleurs doit sûrement en douter là où il est.




Mais contrairement à l’avis du commissaire, je n’avais jamais vu ma femme aussi sincère. Sa voix était si particulière dans ces moments là. Je ne comprenais pas trop la situation. Elle était surréaliste pour moi.

- Laissez le où il est, hurla t’elle. Vous ne savez rien … vous m’entendez … vous ne savez pas combien je souffre … combien je hais mon geste … combien je regrette de n’avoir jamais osé le dire à mon mari. Vous ne savez pas. Je ne sais même pas si vous arriveriez à comprendre.

- comprendre quoi madame !

- Que c’est lui le coupable … non elle …

- Mais qui est « il » … « elle » … ?

- Lui c’est la voix qui me parlait sans cesse. Qui ne s’arrêtait jamais. Même durant mon sommeil elle était là. Sournois, vil, il prenait un malin plaisir à me torturer. Alors en espérant qu’il s’arrête, j’ai commencé à faire ce qu’il disait. J’étais dans un état second. L’arsenic dans les verres de mon mari s’était moi. Mais je me débrouillais pour que les doses ne soient pas mortelles.

- Mais c’est il ou elle ?

- Elle la voix, mais lui parce que c’était une voix d’homme.

- Pourquoi alors ne pas mettre des doses mortelles si la voix vous l’ordonnait. Vous venez de dire que vous espériez vous en débarrasser en faisant ce qu’elle demandait.

- Oui … mais mon mari je l’aimais plus que tout. Vous comprenez ça, je l’aimais, dit t’elle en sanglot …

- Je vous avoue avoir du mal

- De toute façon là n’est pas le problème … vous ne pouvez pas comprendre

- Vous avez raison … moi avant de comprendre il faut que je sache ce qui s’est effectivement passé. Continuez.

- Après le retour de mon époux à la maison, la voix est revenue de plus belle. Elle me répétait que j’avais lamentablement échoué, et que j’allais en payer le prix

- Quel prix ?

- Je ne sais pas …, mais il le répétait sans cesse. Il disait que tant que mon mari serait en vie, je ne serais jamais tranquille. Que je ne serais jamais libre.

- Mais à quoi voulait t’il arriver ?

- Je ne sais pas pourquoi, mais il voulait que je me libère de mon mari.

- Vous n’avez pas pensé à consulter un psychiatre ?

- Non … je ne suis pas folle.

- A vous écouter, on pourrait être amener à penser le contraire …

- Puisque je vous dis que c’est la voix. D’ailleurs comment expliquer le fait que je sois parvenu à trafiquer la voiture de Vincent, alors que je n’y connais strictement rien en mécanique.

- Tiens, vous l’appelez Vincent maintenant !

- Oui … Vous savez il me manque … D’autant que je sais ce que j’ai fait sans trop vraiment comprendre pourquoi et comment …

- Vous disiez à l’instant que c’est vous qui aviez saboté la voiture de votre mari …

- Oui, et je serais incapable de le refaire aujourd’hui. C’est la voix qui m’indiquait comment faire. Quel tuyau débrancher, quelle partie scier légèrement. Elle savait tout.

- Vous faisait t’elle peur ?

- Peur ! vous avez bien écouté ce que je viens de vous dire. J’étais terrifiée, oui. Carrément terrorisée. Quant on est venu m’annoncer que Vincent venait d’être victime d’un accident et qu’il n’avait rien de grave, un double sentiment s’est emparé de moi. J’étais en même temps soulagée et terriblement déçue. Vous comprenez. Soulagée, parce que je ne le répéterais jamais assez, j’aimais, j’aime et j’aimerais jusqu’à mon dernier souffle mon mari. Et déçue, car je savais que la voix allait revenir.

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